Univers chiffonné ou "petit univers" ( 1 )

02/07/2017

Bien sûr, rien n'exclut à priori que l'univers puisse étre infini en étendue. Mais la cosmologie envisage sérieusement des modèles d'univers finis et sans bornes. WTF?

Les anciens pensaient que l'univers était éventuellement fini : mais cette idée se heurtait au "paradoxe du bord" : si ce bord est immatériel, où va la flèche que je lance à travers lui? S'il est matériel comme un mur, qu'y a-t-il au-delà? Le paradoxe dit en somme que définir une limite, une fin, cela revient à bâtir un au-delà de cette fin : et du coup, ça n'en finit plus de ne pas finir, ça redevient un infini.

Ceci quand l'on se cantonne à l'espace euclidien qui plait tant aux architectes, parce que c'est le seul qu'ils sachent imaginer. Pas vrai les amis ?

Or les mathématiciens, tel Riemann, qui n'ont pas froid aux yeux comme les architectes, ont imaginé dès le milieu du XIX des géométries non euclidiennes et ont commencé à nous pondre des espaces à n-dimensions (4, 5, 328...), sans se soucier un seul instant de savoir si on pouvait les aménager, y placer un canapé et accrocher quelque tableau. Ils sont comme ça, les mathématiciens : toujours la tête ailleurs ; aucun sens des réalités.

Aussi, quand Einstein a voulu appliquer sa théorie de la gravitation (Relativité Générale ou RG) au cosmos, il a pris tout de go pour modèle l'hyper-sphère, laissant Euclide à ses Eléments et plongeant à corps perdu dans l'impalpable.

Et nous voilà devant une sphère à quatre dimensions d'espace (quant au temps laissons-le de côté, par manque d'espace).

Or l'hypersphère est bel et bien un volume d'espace fini mais illimité. Cela sonne bizarre, ça oui : un espace fini que je peux parcourir infiniment, sans jamais rencontrer de limite, un mur, un barbelé ? What the fuck ?

Pour saisir l'idée nous devons imaginer de plonger la sphère à 4 dimensions dans un espace qui nous est familier et qui n'en a que trois.

Dans nos schémas l'hypersphère est réduite à une sphère en 3d, puis elle est coupée sur son équateur pour qu'on l'observe à plat, en 2d.

La boule blanche au centre c'est nous. Nous nous mettons en voyage dans la joie et la bonne humeur pour explorer cet univers... vroum vroum !

On avance, on avance...et voilà l'image clé, ci-bas : quand nous arrivons au « bord » de la sphère, nous réapparaissons aux antipodes, très exactement dans notre dos! 

En effet, dans l'hypersphère que nous avons raplaplat, le point A sur le bord est confondu avec le point A'. 

Confondu ? Cela veut dire que A et A' ce sont la même chose, ce sont très parfaitement un seul et même point. 

En effet la vraie hypersphère, que nous avons maltraitée en la projetant en 2d comme si c'était une vulgaire galette aux lardons, est...repliée sur elle même. Il faut imaginer chaque paire de points opposés (antipodes) comme un seul point physique. Du coup, il ne faut pas donner aux illustrations que j'ai fabriquées pour vous avec amour une valeur d'image, mais seulement de schéma : l'hypersphère, en réalité, n'a pas de "bord". Encore, autour de notre cercle gris qui en représente à plat son volume, nous ne devons pas croire qu'il existe un espace qui l'englobe : tout le noir qui entoure notre rond gris n'est pas un "vide" ou un "néant" qui serait autour. L'hypersphère ne comporte simplement pas la notion de "autour".

J'y reviendrais. Mais seulement si vous êtes sages comme des images.

En continuant le voyage sans ciller, nous allons alors nous retrouver à la maison, au centre O, juste à temps pour l'apérO... C'est pas beau l'exploration spatiale ?

Bon, vous allez dire que si je reviens au point de départ, quelle que soit la direction choisie, ça ne vaut pas trop la peine de sortir et de se mettre en route. Mais que se passe-t-il si on part d'un point quelconque de la sphère? Voici, lecteur :

Comme on le voit dans le schéma 7, une fois touché le bord on ne revient pas dans son propre dos. On arrive dans A et on déboule aux antipodes, en A' (en effet un point antipodique se détermine par rapport à un centre).

Cependant, comme nous gardons la direction initiale du trajet, en débouchant en A' nous continuons sur une parallèle et ne revenons donc pas du tout au point de départ, comme on le voit dans l'image 8.

Cela pourrait motiver les explorateurs d'hypersphère. Hé, avec ce truc des antipodes, si ça se trouve il me suffit d'avancer simplement en ligne droite, et je pourrais visiter tout l'univers! Merveille! Vive la quatrième dimension! En route!

Il n'en est rien. Comme le montrent les deux schémas géométriques ci-bas, ou l'on tente, à partir d'un point quelconque de partir dans une direction arbitraire, l'exploration spatiale se referme pitoyablement sur elle-même au second passage...

Ça se voit bien dans les deux cas : on se met en route et on arrive au point A ; on réapparait sans faillir au point A'. On continue et, quand on tombe au point B, on déboule aussitôt au point B' : or ce point B' gît sur la droite qui est celle le long de laquelle nous avons commencé le voyage.

Bref, à tous les coups on revient à la maison, et on n'a vu quasiment rien de l'univers hypersphérique.

Conclusion? La sphère c'est joli, mais c'est assez bébête.

ps. A propos du fait que nous ne connaissons pas, de nos jours, ces possibilités physiques et que nous sommes totalement à la bourre par rapport à la science, je cite : "Ne se contentant pas  de raisonner sur des espaces abstraits, Riemann veut appliquer ses découvertes à la cosmologie. Il est le premier à proposer un modèle d'Univers fini mais sans frontière, décrit géométriquement par une hypersphère." C'était en 1854...."L'ignorance de la découverte fondamentale des géométries non-éuclidiennes a limité la portée de nombre de discussions philosophiques postérieures à Kant à propos de l'infini. (M. Lachièze-Rey et J.P. Luminet, "De l'infini", Dunod, 2016 - très bon livre, au passage.)

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